BENOIT FACCHI Photographe
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Amchi, un médecin au service des nomades tibétains

Reportage réalisé en juillet-août 2008 dans le Ladakh (Inde du nord, Himalaya) pour l’association Échanges Himalayens en collaboration avec Laetitia Scuiller, journaliste. Celle-ci finance une clinique mobile tibétaine qui sillonne les montagnes du Ladakh, à la frontière du Tibet, à la rencontre des réfugiés nomades totalement coupés de la civilisation. Embarquée dans une ambulance, une équipe médicale prodigue des soins selon la médecine traditionnelle tibétaine aux nomades isolés dans des camps à plus de 5000m d’altitude…

Une équipe médicale à la rencontre des derniers nomades du Chang Tang

Basée à l’institut de médecine traditionnelle tibétaine de Leh, la capitale du Ladakh, une équipe médicale intervient auprès des nomades du Chang Tang, l’un des plus hauts et des plus rudes plateaux désertiques du monde. Coincés dans ces montagnes arides entre 4 000 et 5 500 m, les réfugiés tibétains continuent de mener une vie de nomades au rythme de leurs yaks. Eté comme hiver, la communauté est contrainte de changer de campement. Des voyages épuisants, qui ajoutés aux dures conditions de vie, altèrent la santé des nomades les moins résistants. En cas d’urgence, l’hôpital et les médecins sont à des kilomètres des camps.

Situé sur le plateau tibétain, le Ladakh abrite une importante population de réfugiés tibétains qui se sont enfuis du Tibet lors de l’invasion de la Chine à partir de 1959. Surnommée « petit Tibet libre », la région est dotée de somptueux paysages dont les crêtes enneigées et l’espace infini évoquent les grands horizons tibétains. Si la plupart des Tibétains est regroupée autour de Leh et de Choklamsar, le camp principal des réfugiés, une poignée de nomades vit encore avec leurs troupeaux dans les hautes montagnes du Chang Tang (« désert » en tibétain), entre 4 000 et 5500 m d’altitude. C’est dans cette région, situé au nord-ouest du plateau tibétain, que le gouvernement indien a autorisé la circulation de ces campements nomades. C’est dans ce désert de pierres, de vent et de glace, quasi inhabité et situé sur le toit du monde, que se perpétue la tradition des éleveurs nomades tibétains. Parce qu’ils sont complètement coupés du monde et que leurs conditions de vie sont particulièrement éprouvantes, les nomades tibétains souffrent de problèmes chroniques de santé et résistent de plus en plus difficilement à l’incroyable rudesse de l’hiver.

Depuis 2002, une équipe médicale tibétaine, sponsorisée par l’association Échanges Himalayens, intervient auprès des nomades. Tout au long de l’année, l’équipe traverse les montagnes arides et les vallées désertes du Chang Tang, à la rencontre de ces éleveurs qui ne bénéficient d’aucune autre assistance médicale et qui bien souvent, faute de moyens de transport ou de routes enneigées infranchissables, ne peuvent rejoindre l’hôpital de Leh.

L’équipe médicale du Men-Tsee-Khang

Dr Kunchok, surnommé « Amchi », est le directeur du Men Tsee Khang de Leh depuis 2005. Dr Kunchok s’est enfui du Tibet en 1990 sans faire ses adieux à ses parents qu’il ne reverra jamais plus. Il a quitté son pays et sa famille pour réaliser un rêve d’enfant : devenir médecin. Après des études en astronomie, en astrologie et en médecine traditionnelle, il réalise son vœu et met enfin sa vie au service des réfugiés tibétains.

Tsering Wangchuk, chauffeur de l’ambulance mobile. Ancien militaire au sein de la section tibétaine intégrée à l’armée indienne, Tsering a participé à de nombreuses campagnes sur le toit du monde, et les routes carrossables et tortueuses des montagnes n’ont plus de secret pour lui. Si la mécanique des camions souffre plus du froid que lui, il sait comment s’en occuper.

Sonam, responsable du dispensaire. Aussi généreux que consciencieux, Sonam est chargé de remettre les médicaments aux patients et de gérer le stock des pilules de l’ambulance mobile.

Pendant l’été, l’équipe se rend sur une douzaine de sites, mais ne peut pas en atteindre plus de sept pendant l’hiver.

Les maladies chroniques des nomades

Les nomades sont très attachés aux visites d’« Amchi », qui leur prodigue des soins selon la médecine traditionnelle tibétaine. En tant que fervents bouddhistes, les éleveurs sont convaincus de l’efficacité de cette médecine reposant sur les principes d’altruisme, du karma et de l’éthique du bouddhisme et s’inspirant de l’astronomie et de l’astrologie. Quand ils n’ont pas le choix, ils utilisent des traitements allopathiques importés de Leh. Mais pour eux, la médecine tibétaine, bien que plus longue à agir, purifie en profondeur le corps et le nettoie du mal, tandis que l’allopathie calme la douleur à court terme sans jamais guérir le malade. Pendant les quatre jours de consultation auxquels nous avons assisté, Dr Kunchok a diagnostiqué beaucoup de problèmes d’hypertension, de conjonctivite, d’arthrose, de mal de dos et de douleur stomacale. D’après le médecin, la mauvaise hygiène de vie des nomades, les épreuves physiques, ainsi que l’exposition constante au froid, à la poussière et au soleil, sont les principales causes de leurs maladies chroniques. Leur nourriture est toujours basée sur les mêmes aliments, à savoir les produits laitiers (beurre, lait, fromage et curd) et la viande de yack. Comme les fruits et légumes ne poussent pas à cette altitude, les nomades souffrent de carence en vitamines.

Et comble de la malnutrition, les éleveurs passent leur temps à boire le fameux thé au beurre de yack salé pour  lutter contre le froid. Plus qu’une boisson, ce breuvage est traditionnellement offert pour accueillir un ami ou un étranger. Ce thé –le médecin insiste à chaque visite- est pourtant très mauvais pour l’organisme puisqu’il favorise l’hypertension et donc l’infarctus, l’angine de poitrine ou encore l’artérite. « Certains patients appliquent mes conseils, mais d’autres, à commencer par les personnes âgées, n’en font qu’à leur tête » constate Dr Kunchok avec regret.

La médecine tibétaine traditionnelle

Pour la plupart des consultations, Dr Kunchok reçoit dans la tente d’une famille du campement, qui prépare le thé pour tout le monde. Bien souvent, la tente est comble, mais chacun trouve sa place sur les tapis colorés et attend patiemment son tour entre les conversations des femmes au cheveux tressés et les rires des enfants au nez coulant. Dans ce gai brouhaha, « Amchi », assis en tailleur, répète inlassablement les mêmes gestes de cette médecine séculaire. Il analyse tout d’abord les pulsations cardiaques et pour cela pose ses 3 doigts du milieu au niveau de l’artère radiale du patient. Chaque moitié de doigt correspond à un organe ou partie du corps. Le médecin repère ainsi les maladies au changement de rythme des organes. Il procède ensuite à l’observation du patient en vérifiant sa langue, ses ongles, son crachat et au besoin ses urines, ses selles et son sang. Enfin, avant de donner son diagnostic, le docteur interroge ses patients sur leur alimentation et sur leurs attitudes physiques et mentales. La plupart des familles possède un carnet de santé, un petit livret vert délivré par l’équipe médicale pour le suivi. « Amchi » conseille à chaque patient de limiter sa consommation de thé au beurre de yack et de se préserver du froid, tant bien que mal.

Une fois que le nomade a promis de faire attention, il se lève avec son ordonnance et se dirige directement vers l’ambulance, qui fait office de pharmacie, où Sonam lui distribue ses médicaments, des pilules à base de plantes. La médecine tibétaine utilise près de 220 plantes principalement collectées dans les régions de l’Himachal Pradesh, du Ladakh et du nord de l’Inde, et toutes les pilules sont confectionnées à Dharamsala.

La vie des nomades tibétains du Ladakh

Si les nomades admirent la nature, ils la craignent aussi. Dans ce no man’s land perché dans le ciel, les terres arides suffisent à peine à faire paître les bêtes, sans compter l’absence de bois. Pour se chauffer et pour cuire leurs aliments, les éleveurs utilisent de la bouse de yack séchée. Quant à l’eau, les éleveurs doivent faire fondre la neige gelée des glaciers en hiver et attendent avec impatience l’arrivée du printemps et le dégel des rivières. Les hivers sont particulièrement rudes pour les nomades qui doivent supporter des températures descendant jusqu’à -50° et un air très pauvre en oxygène. Pourtant, quelle que soit la température extérieure, les nomades s’activent pour trouver une aire de pâturage pour leurs bêtes.

« Les animaux sont nos maisons »

Nourriture, boisson, vêtement, transport et toile de construction pour les tentes… Les animaux sont tout ce que possèdent les nomades qui s’en occupent avec soins et délicatesse. Les troupeaux de chevaux, de chèvres, de moutons et de yacks sont leur bien le plus précieux, leur moyen de subsistance. La journée commence avec la traite des bêtes et se termine avec leur nourrissage. Entre-temps, il faut les mener aux pâturages et leur courir après toute la journée pour éviter qu’elles ne s’échappent… Pourtant, en hiver les nomades demeurent impuissants et ne peuvent empêcher les bêtes de mourir de froid ou de faim faute de fourrage. « En 1998, plus de 35 000 animaux et 2 500 nomades se sont retrouvés bloqués dans les montagnes par d’énormes chutes de neige », se souvient Dr Sonam Dekey. D’après Palkui, une mère de six enfants du campement nomade des Saamad qui compte 170 individus environ, les familles manquaient de vêtements chauds, et les réserves de nourriture et de combustibles étaient épuisées. Personne n’arrivait à faire face tant les conditions climatiques étaient difficiles. D’ailleurs, quand l’hiver est trop rude, l’ambulance du Men-Tsé-Khang reste souvent coincée dans les cols et ne peut venir en aide aux nomades qui sont alors complètement livrés à eux-mêmes. Afin de survivre à la rudesse du climat, les nomades ont développé une organisation sociale basée sur l’entraide. La polyandrie y est notamment courante, car quand une femme épouse deux frères, cela permet d’éviter le partage des faibles ressources et biens de la famille, la tente familiale ainsi que les troupeaux se transmettant de père en fils. Afin de préparer l’hiver et de pouvoir acheter quelques vivres, les nomades vendent régulièrement leur bétail, un yack coûtant 14 000 roupies (210€).

« On se sent moins seul avec l’équipe médicale»

Palkui avait 6 ans quand elle est arrivée dans les montagnes du Ladakh avec ses parents pour fuir la Chine. « Au Tibet, les officiers chinois nous volaient notre bétail, nos récoltes et nous n’étions pas libres comme ici » se rappelle Palkui, qui depuis s’est mariée à un nomade tibétain réfugié lui aussi. De cette union, sont nés 6 enfants, dont deux filles qui se sont mariées à leur tour et qui vivent aujourd’hui dans le sud de l’Inde dans un village de réfugiés tibétains, et un garçon et une fille, tous deux étudiants au Tibetan Children Village de Choklamsar (près de Leh). « Ma fille et mon fils de 16 et 18 ans vivent avec nous et nous aident beaucoup pour s’occuper les bêtes. » La famille de Palkui possède une trentaine de yacks et un cheptel de plus de 200 chèvres et moutons. Pas de quoi s’ennuyer ! « Nous passons notre temps à courir après les animaux » soupire Palkui, « sans compter qu’il nous faut faire des kilomètres pour trouver un peu de bois. » Heureusement le site actuel a été aménagé d’une pompe à eau par les autorités indiennes, mais Palkui s’inquiète pour les semaines à venir. Les Saamad changent de campement dans dix jours pour un site sans pompe à eau et situé à cinq kilomètres d’une rivière. À 56 ans, Palkui, usée par la rudesse du quotidien, appréhende ce voyage. Elle vient tout juste de consulter Dr Kunchok pour ses problèmes de dos et ses douleurs gastriques.  Elle se sent rassurée d’avoir été reçu par « Amchi », qui outre la prescription de médicaments, lui a conseillé de manger moins épicé et de se couvrir plus. « Depuis que l’équipe médicale nous rend visite, on se sent moins seul et on peut à nouveau se soigner avec la médecine traditionnelle » explique Palkui, qui auparavant n’avait d’autre solution que d’utiliser la médecine allopathique, plus accessible. Malgré ses « petits problèmes de santé », cette grand-mère bouddhiste aime sa vie dans les hautes montagnes avec les ses bêtes, et ne l’échangerait pour rien au monde…

Difficile pourtant de dire combien de temps les nomades survivront. Après leurs études, au grand désarroi de certains parents, de plus en plus d’enfants préfèrent s’installer en ville où les conditions de vie sont plus faciles et plus agréables. Qui s’occupera des yacks alors ?

Texte : Laetitia Scuiller

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Amchi, un médecin au service des nomades tibétains
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